Marie

Publié le par Philémon

J’avais dix-huit ans, je découvrais enfin la France après toute une jeunesse passée au Maroc et en Allemagne. Comme tous les ans depuis mes treize ans, je passais mes vacances en Cévennes, utilisant mes journées à débroussailler, tailler les arbres, remonter les murs des terrasses effondrés, aménager la maison…

Le dimanche était bien sûr consacré au culte, dans le temple qui avait vu mon père officier dans sa jeunesse, et où ma sœur avait été baptisée. Et là, nous retrouvions la « mafia » des familles de pasteurs, au moins une dizaine dans la vallée.

Et parmi celles-ci, la famille K. Le pasteur K. était à la fin de la guerre le plus proche collègue de mon père. Et dans la fratrie K., Marie. Mon aînée de 5 ou 6 ans, une belle plante très extravertie, jolie fille dans sa pleine maturité. Je la connais depuis quelques années déjà, et pourtant mon âge me rapproche plutôt de son petit frère. Je suis lycéen, elle est étudiante, je vis encore chez mes parents, elle les rejoint uniquement pour les vacances, je ne connais pas grand-chose de la vie, elle la croque à pleines dents…

Alors, lorsqu’elle me demande si je veux bien l’accompagner passer quelques jours au Festival d’Avignon, je suis tout d’abord surpris, bien sûr, très flatté, et rapidement enthousiaste.

Nous partons  donc à l’aventure, en auto-stop, sans aucun point de chute en perspective. Et nous rencontrons en arrivant un jeune étudiant, qui campe sur les hauteurs de Villeneuve-lès-Avignon, et qui dispose d’une voiture. Alors nous ferons fortune commune pendant la semaine, campant à proximité, allant nous laver au camping, et traînant nos pas dans les rues d’Avignon, trop fauchés pour aller au spectacle, si ce n’était la rencontre avec Christian Vander qui nous laissera porte ouverte aux concerts de Magma pendant toute la semaine.

J’ai aimé que Marie se love contre mon épaule protectrice, alors même que son indépendance naturelle allait à l’encontre de ce rôle. J’ai aimé que notre compagnon de fortune me demande si j’étais son amoureux. Et que je lui réponde qu’elle était libre de ses sentiments. J’ai aimé qu’elle se refuse à lui, pour venir me retrouver, moi, son indien, comme elle m’appelait. J’ai aimé la prendre par la main, et jouer à l’amoureux que j’étais au profond de mon coeur. Et je vibre encore de cette étreinte sensuelle et platonique, alors que nous nous reposions chez des amis communs, sur le chemin du retour.

Je garde un souvenir très ému de cette complicité que nous eûmes cet été-là.

Puis la vie reprit son cours, je recevais régulièrement de ses nouvelles, moi l’indien. Elle se maria, partit au Laos, divorça, se remaria…

Je la regarde vivre de loin en loin, nostalgique de ces moments bénis. Et parfois je me dis qu’il faudrait que je l’appelle, que je lui dise combien elle a compté dans ma vie. Comme je sais que j’ai compté pour elle aussi.

C’est notre secret.

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M
Avec son prénom, c'est forcément une fille bien :-) Oui, on devrait le dire, je suis d'accord, moi aussi, il y en a un à qui je devrais le dire.. bisous
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P
<br /> J'ai croisé quelques Marie dans ma vie, j'en garde toujours un souvenir ému. Cela tient au prénom, crois-tu ?<br /> Enfin de retour, Marie ?<br /> <br /> <br />
P
Tu t'effeuilles joliment, grand bidule ! Je t'embrasse
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P
<br /> Merci ma Chou. Et puisqu'on est entre nous, je t'embrasse également. J'aime bien ton mot d'effeuillage...<br /> <br /> <br />
P
les passantes...de georges B
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P
<br /> Oui, c'est tout à fait cela.<br /> <br /> <br />
M
Tu es bien nostalgique en ce moment...
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P
<br /> Je ne sais pas si c'est de la nostalgie. Juste comprendre d'où je viens ét comment je me suis construit sentimentalement. Mais je vais poursuivre mes rencontres inachevées...<br /> <br /> <br />